Serviteur suprême

3 Mai 2013

C'est quoi un conseiller d'Etat ?

Membre d’un exécutif, il est là pour exécuter. C’est à dire mettre en oeuvre les lois votées par le Parlement.

En ce sens, un Conseiller d’Etat est le serviteur suprême.
Toutefois, il peut proposer des textes de loi au parlement. Ainsi son seul pouvoir est de tenter de convaincre. Nombreux sont ceux qui semblent l’oublier et qui se prennent pour des roitelets.

Une fois le champ d’action délimité, il s’agit maintenant de découvrir les qualités primordiales attendues d’un tel magistrat.

Une chose est certaine, il ne pourra pas maîtriser tous les domaines couverts par le Conseil d’Etat et il ne sait pas quel département lui échoira puisque cette décision se fait par le collège.

Certes, dans la mesure du possible, il sera tenu compte des domaines de prédilection des élus pour optimiser leur action ainsi que leur crédibilité.
Mais, en règle générale, ils devront savoir s’entourer de personnes compétentes et pointues qui sont les chefs de services et qui ont vu nombre de Conseillers défiler puisqu’ils sont  boulonnés à leur poste.

Ainsi les qualités primordiales qui sont attendues d’un Conseiller d’Etat sont :
honnêteté
esprit vif
esprit de synthèse
capacité d’écoute
travailleur
gestion d’équipes
aisance oratoire
rassembleur
charismatique
collégial
visionnaire
réaliste
sociable

Avec de telles qualités, on peut s’attendre à ce qu’un magistrat s’attelle à n’importe quel travail avec efficacité. Quel que soit le domaine.

La vivacité d’esprit permet de cerner rapidement un sujet dans les grandes lignes afin de bien cibler les consultations puis dégager les lignes directrices d’un projet de manière synthétique sans s’égarer sur des points de détails qui seront de toute façon remaniés par les commissions parlementaires.

S’il est important d’avoir une vision à moyen terme, il est en revanche impératif de savoir écouter les spécialistes, tout particulièrement les gens du terrain qui connaissent souvent mieux la réalité quotidienne que les technocrates et leurs projections ou autres simulations virtuelles. La difficulté consiste surtout à savoir trier le bon grain de l’ivraie afin de déterminer rapidement qui sont les personnes vraiment représentatives et compétentes.

Un Conseiller d’Etat est un pilote. Sa responsabilité est élevée. Pour l’assumer il doit faire preuve d’un minimum d’autorité afin d’être respecté et d’avancer de manière constructive dans les travaux.
Un des travers de l’administration provient du fait que, à chaque niveau, on observe souvent une dilution des responsabilités. Chacun renvoie la patate chaude à un supérieur. A tel point que lorsque, finalement, les administrés se résignent à aller taper tout en haut, en désespoir de cause, ils réalisent que le magistrat n’a pas connaissance de plusieurs étapes du processus et n’a d’autre ressource que de renvoyer le citoyen démuni vers les différents chefs de service.

S’il est certain que le magistrat ne peut pas connaitre tous les détails de la procédure, il est pourtant de son devoir d’apporter des réponses aux questions concrètes des citoyens concernés. Ceci implique une énorme charge de travail afin de prendre des décisions en connaissance de cause.

La manière de communiquer est importante. Non seulement devant les médias et autres assemblées générales, mais auprès de chaque administré et auprès de chaque fonctionnaire de ses services quel que soit son rang.
La tendance est forte et irrésistible d’en dire le moins possible sur des travaux en cours. La confidentialité permet de mener plus harmonieusement une entreprise à bien. Cependant le risque de langue de bois est grand, ainsi que la tendance à manipuler l’opinion pour éviter les questions qui fâchent ou les remises en question.
Le charisme, l’aisance oratoire, la capacité à rassembler et à écouter, la sociabilité sont des atouts précieux pour la gestion des équipes, l’encouragement, la capacité à donner envie de faire et de bien faire.

L’honnêteté est aussi une vertu cardinale. C’est une erreur de penser que le peuple peut être longtemps abusé. Il préfère certainement une mauvaise nouvelle et une reconnaissance d’erreur qui permettrait de la corriger plutôt que la tentation de mettre la poussière sous le tapis afin de garantir un hypothétique réélection pour un second mandat.

Le problème de l’élection est trop présent dans l’esprit des élus. Il est vrai qu’un mandat est un peu court pour faire ses preuves, tant l’administration est lente. Heureusement, la Constitution prolonge dorénavant les mandats à 5 ans, ce qui devrait permettre d’abattre passablement de travail dans une première législature.

Il faut d’abord quelques mois pour se familiariser avec le département et la reprise des dossiers du précédent magistrat.
Ensuite, par ordre d’urgence, il s’agit de conduire les consultations en s’assurant du suivi afin que les dossiers ne s’enlisent pas.
Les lignes directrices qui permettront de rédiger un projet de loi doivent être validées par les principaux concernés pour éviter que la loi ne soit remise en question devant le parlement.
Ainsi, plusieurs années se sont déjà écoulées sans garantie que le projet passe la rampe du parlement. C’est pourtant sur les résultats que l’élu sera reconduit pour un second mandat durant lequel il commencera seulement à récolter les fruits de son travail. Pour autant qu’il conserve le même département... ou que celui-ci ne soit pas profondément remanié.

Sans vision, pas de cap. Seulement attention ! Il s’agit d’avancer pas à pas avec les réalités du présent sans mettre la charrue avant les boeufs. Nous attendons donc avant tout du pragmatisme. Une loi inapplicable provoque des effets dévastateurs. Les budgets font défaut, la dette de l’Etat est conséquente, les intérêts augmentent jusqu’à un point de non retour qui risque de paralyser l’administration. Il s’agit donc de promouvoir des textes qui répondent au mieux aux problèmes dénoncés par les professionnels et leurs clients en s’assurant que les moyens et les ressources d’application sont disponibles.

L’Etat ne devrait pas se mêler de tout mais se concentrer sur son rôle régalien. Il n’est pas un gestionnaire, mais un arbitre neutre.
En ce sens, il semble opportun de favoriser les délégations de tâches par contrats de prestation comme c’est le cas avec les régies semi-autonomes, dans tous les domaines qui ne ressortent pas exclusivement du devoir d’Etat. Responsabiliser les professionnels, leur donner les moyens de mener leur tâche à bien avec un minimum d’intervention et des simplifications administratives.

Le suivi des lois promulguées est aussi très important afin de corriger le plus rapidement les travers qui apparaîtraient et qui seraient susceptibles de faire échouer la loi.
Ici aussi, les présidents de commissions consultatives doivent être choisis avec soin afin d’éviter les combats de coqs et les diverses paralysies qui pourraient s’installer lors de ruptures de dialogues dues à de trop grandes divergences entre les divers protagonistes.

Ainsi, un Conseiller d’Etat n’est pas un spécialiste, mais un généraliste. Il doit savoir s’entourer et garder une vision d’ensemble, se faire respecter par sa rigueur et son honnêteté et surtout être prêt à travailler beaucoup et souvent bien au-delà de ses heures de travail.

Il doit en outre être prêt à accepter que son travail soit remis en question par le collège.
Bien qu’en règle générale ses collègues lui fassent confiance dans la gestion de ses dossiers, les communiqués de presse de la Chancellerie reflètent la position du collège gouvernemental.

Vient enfin la cerise sur le gâteau pour certains et la punition pour d’autres : La représentation. Un magistrat se met en scène, serre des mains, boit des cocktails, mange des canapés et fait des discours. Il doit être parfaitement à l’aise dans ce rôle et doit pouvoir s’exprimer dans plusieurs langues. A tout le moins l’anglais et l’allemand avec un plus pour ceux qui savent s’exprimer en suisse-allemand. C’est même une obligation pour le président dont le mandat est dorénavant de 5 ans.