Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’élection au Conseil d’Etat ne provoque pas une ruée aux urnes.
Si 1936 a vu un pic avec plus de 86 % d’électeurs voter, et mis à part la chute brutale vers 1942 à 55,5%, la suite de la progression fut une lente descente jusqu’aux taux que nous connaissons aujourd’hui et qui se situent autour des 40 %.
La courbe est sensiblement la même pour les votations que pour les élections.
Les hommes et les femmes participent de manière assez équivalente, toutes tranches d’âges confondues. On observe toutefois une diminution de la participation des femmes dès 65 ans alors qu’elles sont proportionnellement plus nombreuses à être inscrites (plus du double dès 90 ans).
L’information la plus spectaculaire et la plus troublante sur les tableaux de statistiques de la chancellerie, c’est la progression du taux de participation en fonction de l’âge.
Ainsi avant 30 ans, environ 15 % des jeunes votent. De 40 à 65 ans, le taux double, passant de 20 à 40 %, et continue sa progression jusqu’à 50 % à l’âge de 75 ans avant de redescendre progressivement.
La Chancellerie a publié sur son site une BD afin d’encourager la participation des jeunes.
Mais cette démarche un peu paternaliste et condescendante ne semble pas produire d’effets notoires.
Pourquoi les jeunes adultes ne s’intéressent-ils pas à la chose publique ? Si l’on en croit la BD et si je me réfère à mon parcours, c’est surtout une forme de dépit, de désillusion.
Ce n’est que tardivement que j’ai compris la chance que nous avons en Suisse de pouvoir donner notre avis sur tout et même proposer des sujets en votation populaire.
S’il est relativement rare qu’une ou deux voix fassent la différence, il est en revanche évident qu’une légère augmentation du taux de participation des jeunes ferait basculer les scrutins et encouragerait les réticents.
S’il est possible d’engendrer une telle dynamique, nous pourrions observer un effet boule de neige dès lors que les arguments du style, “ tous des pourris, système corrompu, ma voix n’y changera rien, de toute façon les résultats sont toujours à l’inverse de ce que je vote, etc.” ne tiendraient plus la route.
Comme la BD est un flop, il serait temps de recourir aux outils que les jeunes utilisent au quotidien et qui risquent de bouleverser le fonctionnement des démocraties.
Les réseaux sociaux ont permis des avancées inimaginables dans les pays du Maghreb, à tel point que la presse parlait de renouveau de la démocratie.
Le déplacement aux urnes n’est plus une excuse aujourd’hui. Le vote par correspondance, et même en ligne pour certains, ne nécessite que quelques minutes.
Mais surtout, ce que les jeunes devraient comprendre sans trop d’effort, c’est que le simple fait de s’abstenir, c’est donner raison aux autres et donc participer aux prises de décisions comme par un vote blanc, sans l’intention, mais avec le même résultat. Nous somme tous responsables du monde dans lequel nous vivons.
En tant que candidat indépendant, dans la configuration actuelle, je n’ai mathématiquement aucune chance de passer le premier tour. En effet, non seulement une grande partie des électeurs votent selon les recommandations des partis qui s’approchent le plus de leurs sensibilités, mais en plus, les partis forment des alliances et proposent des “paquets” ou des groupes de candidats.
C’est ainsi que nous voyons élus des citoyens sans envergure qui sont désavoués au scrutin suivant, mais le mal est fait.
Ce système des partis est bien pratique pour l’électeur qui ne peut se renseigner à fond sur tous les sujets et qui connait encore moins les personnes qui se présentent.
Pourtant, aujourd’hui, nous observons un éclatement des ces partis afin de mieux respecter les divergences au sein d’une même tendance.
Ainsi nous remarquons, au niveau fédéral, l’arrivée des Verts Libéraux, soit des écologistes de droite et les Bourgeois Démocrates, qui tiennent à se démarquer de la ligne dure de l’UDC zurichoise.
Le parti Pirate arrive (un peu comme les Verts il y a 20 ans sur le sujet de l’environnement) pour défendre un meilleur usage de la technologie numérique et le respect de la sphère privée.
Ces petits partis sont toutefois contraints de s’allier à d’autres pour obtenir des résultats. Parfois ils sont de précieux partenaires pour faire basculer les majorités.
Mais, globalement, nous assistons à une dilution des contenus et une forme de compromission sur des valeurs qui font la marque de fabrique de ces tendances.
Il est aussi intéressant d’observer les résultats que vous obtenez sur “Smartvote”. Vous ne serez certainement pas trop surpris de vérifier qu’il est difficile d’obtenir plus de 60 % de correspondance entre vos sensibilités et les candidats de votre choix.
Essentiellement en raison des lignes définies par les partis qui cadrent leurs programmes.
Les réseaux sociaux et les sites en ligne devraient permettre de plus en plus l’émergence de candidats indépendants qui répondent plus précisément aux attentes par le simple fait qu’ils ne sont pas liés par les frontières rigides, voire dogmatiques, des partis.
En revanche, ils ne possèdent pas les moyens financiers indispensables à leur campagnes électorales.
Ils sont ainsi marginalisés et passent pour des allumés, à l’instar de Coluche qui aurait pu être une menace pour l’establishment.
Si quelques partis s’offusquent et dénoncent certaines sources de financement en réclamant plus de transparence, ils ne sont pourtant pas prêts à renoncer à ces investissements, parfois conséquents, pour faire passer leurs candidats.
Les jeunes devraient pouvoir faire la différence. La dérision qu’ils affichent et le mépris d’un système insatisfaisant devraient les inciter à explorer d’autre voies plus en phase avec notre époque. A l’instar du printemps arabe qui a mobilisé les foules.
Un des effets spectaculaires d’un tel revirement serait la disponibilité de ressources considérables ainsi gaspillées. La progression vertigineuse des budgets électoraux aux Etats-Unis nous donne un peu la (dé)mesure des montants en question.
Et surtout nous aurons la garantie que le candidat sera élu sur ses compétences et son programme, plutôt qu’en raison de la fortune dont lui, ou son parti, dispose.