LA RADE en rade

30 Avril 2013

Les questions de mobilité sont relativement complexes mais sont surtout liées à d’autres problématiques telles que la sécurité, l’emploi, la croissance, le logement, la voirie. etc.

Un élu devrait pouvoir se projeter au-delà des 20 prochaines années afin d’établir son plan d’action. Mais comment développer une vision avec tant d’incertitudes sociales, politiques et économiques ? Et avec quels moyens ?

Quelle place pour les transports individuels (TI) demain ?
Energies fossiles et développement durable
Urbain ou rural ? Ramener la campagne en ville
Individuel et/ou collectif
Stratégies de priorisation
Alternatives crédibles aux TI
Mobilité douce, gare aux intégrismes !
Stratégie du Conseil d'Etat (CE), Mobilités 2030

Certains prédisaient la fin du monde, mais la plupart d'entre nous a continué à vivre comme si de rien n’était.
A défaut d’un nouveau paradigme sociétal qui ne viendra que dans la douleur, nous persisterons à suivre le modèle de consommation/production qui semble satisfaire le plus grand nombre. Prenons en acte et tentons de définir les contours d’une politique de mobilité qui permette de satisfaire ce choix de manière pragmatique.

Le premier constat qu’il s’agit de faire honnêtement, c’est de reconnaitre que mobilité égale liberté. Comme nous l’avons confirmé dans notre nouvelle Constitution, le choix du mode de transport doit être garanti.
Les brimades et autres obstacles artificiels mis en place pour décourager les particuliers d’utiliser leur véhicule doivent être bannis. Ils ne font que paralyser la ville sans donner une vraie priorité aux transports publics.
Le seul pouvoir de nos élus réside dans leur capacité à inciter, à convaincre du bien fondé du transfert multi-modal afin que chaque citoyen décide lui même quel moyen de transport est le plus adéquat dans une situation donnée.

 

Quelle place pour les transports individuels demain ?

Qui peut raisonnablement se projeter après-demain ?
Si le développement démographique continue sur la même courbe, dans 100 ans il n’y aura plus de place et donc plus de véhicules pour les particuliers. Ce sera aussi la fin des maisons individuelles...
En revanche une catastrophe majeure pourrait nous ramener au Moyen Age.

Mais on peut envisager demain, disons dans 30 ou 50 ans.

Je suis le premier à m’émerveiller devant le génie humain, tout particulièrement lorsqu’il s’exprime dans la technologie de pointe.
L’évolution des voitures est vraiment spectaculaire et, chaque année, le record d’affluence au Salon de l’auto de Palexpo est dépassé.
Les hommes et les femmes aiment les bagnoles !

Mais de plus en plus de citadins refoulent cet émerveillement car ils ne sont plus prêts à en payer le prix. Les nuisances de ces engins bruyants et polluants sont des entraves à l’épanouissement et nous rendent parfois malades. Il serait si bon de pouvoir vivre dans des villes sans voitures.

Aujourd’hui, seuls quelques allumés envisagent ce nirvana. Ils focalisent leur haine sur les détenteurs de véhicules gourmands qui ne représentent qu’un bien faible pourcentage des utilisateurs.
En effet, toute l’économie fonctionne grâce à cette mobilité. Les professionnels envahissent l’espace urbain, 24/24.
Non seulement les artisans, les services et les livraisons, mais surtout le transfert des marchandises sur le dernier kilomètre.

Lorsque l’industrie de l’automobile éternue, c’est toute l’économie qui tousse. Assurances, garages, pneumatiques, carburant et autres activités directement liées à la voiture occupent une bonne portion de notre tissu économique et donnent des emploi à bien du monde.

Nous continuerons donc à utiliser nos voitures. Cherchons comment optimiser son utilisation sans péjorer notre bien-être.
L’évolution technologique est rapide, les véhicules sont de moins en moins gourmands et bruyants. Les véhicules électriques ou hybrides sont de plus en plus demandés et disponibles sur le marché.
Malgré les découvertes de nouvelles nappes de pétrole dans l’Antarctique et l’exploitation des gazes de schiste, le prix de l’essence continue de monter.
Les biocarburants provoquent plus de dégâts que de bienfaits, ils ne tiendront pas la distance.
Les taxes destinées à l’aménagement des infrastructures vont aussi prendre l’ascenseur.
Les principes du pollueur payeur se généralisent tant sur les impôts pour les véhicules à moteur que sur les taxes Co2.

Le consommateur s’ajuste aux réalités du marché en fonction des orientations et des diverses régulations des gouvernements.

 

Energies fossiles et développement durable

L’environnement est un domaine que le commun des mortels ne maîtrise pas. Même les spécialistes peinent à s’entendre et toutes sortes de théories fleurissent.
Tous s’accordent pourtant sur le constat du réchauffement climatique provoqué notamment par les gaz à effet de serre.

Certains savants tirent la sonnette d’alarme depuis plus de 20 ans. Ils pensent d’ailleurs qu'il est déjà trop tard pour réagir...

Le catastrophisme paralyse. Les divers protectionnismes nationaux freinent considérablement les travaux des divers secrétariats aux Nations Unies et le suivi de Rio est bien décevant.

Mais les bonnes volontés se sont mises en route. Le label respectueux de l’environnement commence à se vendre mieux. Il deviendra bientôt la norme.
La règle reste la rentabilité. Sitôt qu’un produit devient compétitif et donc accessible au plus grand nombre, il a sa place.
C’est déjà le cas pour l’éolien et le solaire. Ces moyens prennent petit à petit de l'importance et seront fin prêts pour le jour où nous ne disposerons plus d’énergies fossiles. Car ce jour viendra.
Et qui sait, un physicien découvrira peut-être une technologie nucléaire, atomique ou que sais-je, qui ne produirait pas de déchet polluant et non recyclable.
Soyons certains qu’ils y travaillent. Le potentiel lucratif est inestimable.

 

Urbain ou rural, ramener la campagne en ville.

Je dois avouer que c’est un peu mon rêve. Mais ce sont mes enfants qui le vivront.
Comme je comprends les écologistes urbains. J’en suis un dans mon âme.

L’homme est grégaire, les concentrations urbaines ne sont pas seulement liées aux réalités économiques, les gens sont sociaux, ils aiment se rencontrer, se cultiver, partager.
Paradoxalement, les citadins sont souvent seuls, solitaires ou isolés, au milieu de la foule.

Nos vies un peu frénétiques, un stress mal géré, nous empêchent de jouir de chaque instant de notre journée. Nos déplacements deviennent des calvaires quel que soit notre mode de transport. Les bus et trams sont bondés, les véhicules coincés, les cyclistes respirent les gaz des véhicules, les piétons sont sur leurs gardes et subissent le raffut des moteurs à explosion. Bref, c’est l’enfer urbain.

Nous pouvons changer cela. Rendre la ville plus agréable, plus conviviale. Faire en sorte que chaque déplacement soit efficace et satisfaisant quel que soit le mode choisi.

 

Individuel et/ou collectif

Il n’est déjà pratiquement plus possible pour les transports individuels de circuler et se déplacer dans des délais raisonnables dans les plupart des villes du monde.

Il est donc aussi urgent qu’impératif d’offrir un réseau efficace de transports publics.
Au pluriel, car des synergies doivent encore être mises en place entre les différents transports professionnels de personnes, du train au taxi en passant par le bus et le tram.

Pourtant, le réseau des bus et trams est limité par la taille de la voirie et n’est pas extensible à la demande.

Il est donc parfaitement déraisonnable et mensonger de prétendre diminuer le pourcentage de transports individuels. (Mobilités 2030)

Au contraire, il va continuer sa courbe, notamment par le retour de ceux qui avaient renoncé à leur véhicule, mais qui ne supportent plus les transports publics et qui privilégient leur intimité au détriment de la rapidité.
Tout le monde doit pouvoir circuler, à défaut, c’est tout le réseau qui est paralysé.

 

Statégies de priorisation

Indispensables mais extrêmement délicates, ces statégies doivent être mises en place par des gens du terrain et non par des technocrates qui font des projections sur plans.

Si l’on défavorise un mode par rapport à un autre, très vite des noeuds se forment et paralysent la ville.

Il s’agit donc, dans la mesure du possible, d’empêcher le croisement entre les sites propres et la voie normale. Les circuits d’onde verte qui fonctionnaient bien il y a 15 ans sont devenus obsolètes avec le développement des trams qui s’est fait sans respecter ce principe. Il s’agit donc de prévoir quelques trajets de transit en ville qui suivent les axes des trams et qui bénéficient de l’onde verte.

La politique des quartiers résidentiels en zone 30 est bonne pour autant que les axes soient fluides. A défaut, les particuliers utilisent ces zones pour le transit.

Les arrêts de bus ne doivent pas empêcher les TI de le doubler par des obstacles artificiels. Il faut garantir au bus sa voie libre sans entraver les autres véhicules.

Les cyclistes et autres deux roues doivent apprendre à partager l’espace disponible sans exiger de sites propres systématiquement. Il faut favoriser le transit de la mobilité douce dans les quartiers résidentiels et les parcs. Les scooters et motos devraient être autorisés à partager certaines pistes cyclables.

 

Alternatives crédibles aux transports individuels

La politique de brimade et de dissuasion n’a pas porté les fruits escomptés. Au contraire, le Genevois n’entend pas se faire conter la messe et les défenseurs de l’automobile s’organisent. La frustration est grande. Pour tout le monde.

Si le bâton a parfois sa raison d’être, c’est surtout la carotte qui devrait produire des effets.
Un politique d’incitation a le mérite de rendre le citoyen responsable. Il assumera mieux des décisions qui émanent de son propre choix. Il s’agit donc de lui offrir des alternatives.
Des vraies, qui fonctionnent et qui répondent aux besoins.

Le taxi dispose d’un potentiel de développement énorme. Encore faut-il que ce mode soit compétitif. C’est déjà le cas pour de nombreux clients qui ont fait leurs calculs et qui économisent en ayant supprimé un véhicule dans leur ménage.
Mais ça pourrait se démocratiser encore plus par l’usage systématique des voies de bus et trams. En effet, les trajets deviendraient un tiers moins cher et le gain de temps serait spectaculaire pour arriver à destination. Le rapport qualité-prix deviendrait alors évident pour tous.

La mobilité douce est bien développée, la participation de l’Etat à l’achat d’un vélo électrique en a séduit plus d’un. La marche remplace ou complète avantageusement le fitness. Les médecins relaient les messages de prévention des maladies cardiovasculaires, responsables de la grande majorité de nos maux.

Le CEVA et les P&R devraient compléter l’offre, tout particulièrement pour des dizaines de milliers de frontaliers qui viennent travailler à Genève.

 

Mobilité douce, gare aux intégrismes !

A force de vouloir éradiquer la bagnole, les promoteurs de la mobilité douce ont juste réussi à durcir les fronts.
C’est apparu de manière douloureuse lors de la votation pour l’initiative 144 qui a tout juste passé la rampe avec 50,4 % de oui au développement des bandes cyclables.

Nous devons apprendre à co-vivre la ville, la rue. Ne sommes-nous pas tous, tour à tour, piéton, cycliste, rollerskater, motocycliste, automobiliste, trottinetiste et autres.

L’initiative 144 va trop loin en ce sens qu’elle veut prendre de l’espace aux autres qui en manquent déjà. Le résultat aberrant est que les cyclistes subissent d’avantage les véhicules bloqués dans la circulation que s’ils étaient fluides.

Les milieux de l’économie font preuve de plus d’ouverture et sont régulièrement favorables au développement de la mobilité douce. Ils encouragent le développement de zones piétonnes et le remplacement de places en surface par des parkings souterrains.

A vouloir encourager les sites propres aux vélos on crée des zones faussement sécurisées qui déresponsabilisent les cyclistes et les rendent d’autant plus vulnérables lorsqu’ils doivent, inévitablement, rejoindre le flot des autres véhicules. Par ailleurs, les giratoires, merveilles de fluidité, sont autant d’obstacles anxiogènes pour un cycliste touriste.

Conduire un vélo en ville n’est pas juste une ballade de plaisir, cela implique de la concentration. En campagne aussi d’ailleurs, puisqu’il y a moins de pistes cyclables.

Les piétons se plaignent des cyclistes sur les trottoirs, les cyclistes des scooters dans les bandes, les scooters sont les rois de la route, les voitures ont peur de tous les autres modes. Les camions sont en principe conduits par des professionnels qui savent gérer.

Nous devons apprendre à partager la voirie en adaptant notre vitesse et notre conduite à la situation.

 

Stratégie du Conseil d’Etat, Mobilités 2030

Si le rapport de 65 pages est plutôt bien fait, il masque difficilement certaines aberrations, contradictions ou contre-vérités.

Ce n’est pas une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain. Globalement le constat est juste et le remède plutôt adapté.

Il s’agit de créer un maillage du réseau en favorisant les tangentes plutôt que les pénétrantes et en créant une hiérarchie en fonction du lieu.
Ainsi les TI en transit seraient découragés d’accéder au centre. Au contraire, la mobilité douce, les places piétonnes le rendront plus attractif en favorisant les commerces.

Cependant, ce projet restera lettre morte si les traversées du lac et de la rade ne sont pas réalisées.

En effet, comme l’a justement relevé par son image de l’horloge Monsieur Blaise Hochstrasser, directeur de DGM, il s’agit d’éviter d’emprunter les aiguilles, à 4 heures 10 par exemple, pour passer de la route de Lausanne au quai Gustave Ador, via le quai du Mont-Blanc.

Malheureusement, Madame Künzler, lors de la présentation de son programme le 23 novembre 2012, n’a pas même évoqué la traversée du lac qui figure pourtant dans son document. Et pour cause, puisque la Confédération ne l’a pas retenue dans son budget de subventions à l’horizon 2030.

Les arguments de la Confédération ne sont pas farfelus et la décision est irrévocable. Dès lors il s’agit de décider rapidement d’une alternative toute aussi nécessaire; la traversée de la rade.

C’est d’autant plus urgent que le pont du Mont-Blanc devra prochainement subir un lifting.

Le Conseil d’Etat refuse d’une seule voix l'entrée en matière.

Le CEVA sera certainement un plus, un peu coûteux pour une population assez limitée. En effet, nombre de frontaliers habitent bien plus loin que la zone franche et ont forcément besoin d’un véhicule. Ils ne seront pas enthousiasmés par le transfert modal, non seulement parce que les P&R sont chers et trop rares, mais aussi parce que le CEVA ne servira que trois gares.

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