On n’a pas fini d’en parler.
Certains considèrent ce dossier comme hautement technologique et donc inaccessible au commun des mortels, d’autres mettent en évidence des avantages économiques, des retombées sur la Suisse et plus particulièrement pour ses usines d’armements qui seraient mises à contribution pour finaliser les équipements.
La population aura son mot à dire, le référendum est annoncé. Les premiers signes de malaise se font déjà sentir.
Vote du Conseil des Etats du 6 mars 2013
Ainsi, suite aux votations du 3 mars et la sanction du peuple sur l’initiative Minder, nos élus deviennent frileux et prennent conscience de la capacité du souverain à se fâcher lorsqu’on le mène en bateau.
Ce ne sont que 22 sénateurs contre 20 qui ont validé l’achat des avions suédois sans pour autant lever le frein aux dépenses nécessaire à alimenter le fonds spécial qui permettrait cet achat.
C’est donc sans courage qu’ils ont dit non tout en disant oui.
Violations de l’espace aérien suisse
La surveillance de notre espace aérien est pratiquement la seule raison d’être de notre flotte d’avions de combats puisque nous sommes un pays neutre et que nous ne participons à aucune action militaire avec l’OTAN ou l’ONU.
En 2011, ce sont 14 missions qui ont été accomplies dont 5 durant le WEF. Aucune n’a débouché sur une quelque sanction et pour cause puisque les cas de violations n’étaient dus qu’à des problèmes de radio ou autres malentendus.
Toutes les autres “missions” ne furent que des exercices ou campagnes à l’étranger telles que le “Tactical Leadership Program” en Espagne, l’exercice multinational “TIGER MEET” en France et la campagne de vol de nuit “NIGHTWAY” en Norvège. (Bilan des engagements de l’Armée suisse en 2011 par la confédération).
On a beau rechercher dans les archives une quelconque violation de l’espace aérien suisse, tout ce que nous trouvons c’est une vague histoire de non respect de la neutralité de notre ciel avec le transport de prisonniers par la CIA qui aurait été illégalement autorisé par la Confédération. Affaire classée sans suite histoire de ne pas pourrir plus nos relations avec les USA.
Nécessité d’une police de l’air permanente
S’il est vrai qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale et notamment suite au rapport du chef de l’Etat-major de l’Armée (T. Sprecher von Bernegg) la confédération a pris conscience du caractère indispensable des aéroplanes en cas de guerre et créé en 1941 l’Escadre de surveillance, on peut raisonnablement se demander si ces moyens ont encore un sens aujourd’hui.
Non pas tant parce que nous nous trouvons au centre d’une Europe qui continue tant bien que mal son travail d’harmonisation politique et économique et qui n’a plus connu de guerre depuis bientôt 70 ans, mais surtout parce que l’armement et la stratégie de guerre ont considérablement évolué.
Ainsi depuis la guerre en Irak, on observe le développement d’une guerre technologique, pilotée à distance par des drones qui procèdent à des tirs chirurgicaux sur des cibles préalablement identifiées.
A l’instar de Lutz Unterseher, des spécialistes allemands de la politique de sécurité considèrent que la dotation aérienne suisse reste luxueuse et que nous pourrions améliorer l’efficacité et abaisser les coûts des interventions de la police aérienne en s’appuyant sur une coopération trans-frontalière.
Le Conseil Fédéral ne l’entend pas de cette oreille et balaie les diverses interventions parlementaires, telles que les dernières de MM Hans Widmer et Evi Allemann qui favoriseraient une coopération européenne, sous prétexte de compromettre notre neutralité.
C’est un jeu dangereux car la population pourrait remettre en question notre si précieuse neutralité si elle est galvaudée par nos plus hautes autorités.
Selon l’ancien chef de l’armée et commandant des Forces aériennes, Christophe Keckeis, la Suisse se traverse en neuf minutes ce qui nécessite une capacité de réaction extrêmement rapide. En principe un décollage en moins de deux minutes.
Autant dire que c’est parfaitement irréalisable à moins que le pilote soit déjà sanglé dans son cockpit avant l’alerte, moteur en marche.
L’ingénieur aéronautique Gérald Levrat a confirmé devant la sous-commission parlementaire que pour qu’un Gripen soit prêt à décoller dans les 3 minutes, il doit être connecté à un groupe électrogène auxiliaire (APU) branché en permanence et qui génère énormément de bruit. Sans parler de la consommation. La Suisse a d’ores et déjà rejeté cette option. Il ne sera donc pas possible d’intervenir avant que le vol suspect ait déjà quitté le territoire.
On peut aussi se demander comment on peut parler d’une surveillance de notre espace aérien si celle-ci ne se fait qu’aux heures de bureau, comme c’est le cas depuis toujours.
Quels coûts pour quels objectifs ?
De l’aveu de M. Keckeis, les pilotes suisse effectuent une centaine d’opérations de routine par an qui s’apparentent à des entrainements.
Seule une vingtaine d’interventions qualifiées de “rouges” sont menées contre des avions non identifiés ou non autorisés ou pour des pannes de radio.
Aux 3,3 milliards que coûteraient les 22 Gripen à la Suisse s’ajoutent des frais non négligeables de maintenance 4’700 $ par heure de vol = 660 Mio $ par an.
Cette évaluation minimale a été contestée et les parlementaires s’inquiètent de montants annoncés dans la presse qui exploseraient à 24’000 CHF l’heure de vol.
Ne sont pas compris dans ces chiffres les salaires des pilotes et les infrastructures pour parquer et entretenir les avions.
Ni la formation et les salaires des techniciens qui devraient s’occuper de la maintenance et des mises à jour de ces nouveaux appareils.
Conclusion
Ces chiffres font tourner la tête. Le peuple n’a pas l’habitude de compter avec autant de zéros avant la virgule.
Il n’est pas compétent non plus sur les questions techniques. D’ailleurs, non seulement le parlement, mais le ministre de tutelle lui-même, Monsieur Maurer, a avoué que ces informations lui passaient au dessus de la tête. (Tdg du 6 mars)
Dans le Matin du 5 mars, le sénateur Luc Recordon qui n’est pas connu pour son optimisme, prévoit un échec devant le peuple.
Nous assisterons donc vraisemblablement à une nouvelle sanction de la population qui n’apprécie pas de ne pas être considérée et prise au sérieux.
Pour autant que le parlement ne renonce pas avant, mais alors là leur crédibilité en prendrait un méchant coup.
Annexe : La Patrouille suisse
Tout un symbole. De la fierté et la maitrise spectaculaire des pilotes lors des incontournables démonstrations durant des grandes messes populaires.
La population est sensible à ces images qui contribuent à alimenter un certain patriotisme et aussi une présence à l’étranger qui atteste de notre génie et de notre créativité.
Je ne suis pas forcément partisan de renoncer à cette belle vitrine et je trouve limite hypocrite la velléité de notre Conseiller fédéral à brandir la menace de sa suppression pour des raisons budgétaires.
C’est encore moins compréhensible lorsque l’on apprend que la société “Breitling” serait prête à fournir, repeindre aux couleurs nationales et entretenir les avions de notre patrouille, mais que nos autorités ne l’entendent pas de cette oreille.
Enfin il devient vraiment difficile de comprendre la logique qui empêcherait d’utiliser les avions destinés à la défense de la souveraineté aérienne nationale pour ces exercices.
Il n’est pas nécessaire de les repeindre, la technologie du “wrapping” permettrait de décorer ces avions de manière spectaculaire et provisoire pour des montants ridicules et de façon immédiatement réversible.