L’acceptation par le peuple suisse de l’initiative Minder, le 3 mars 2013 fera encore couler beaucoup d’encre.
Non seulement sur les questions financières, mais aussi sur une forme de révolte du souverain qui en a assez de se faire prendre pour un imbécile.
Le déficit de crédit d’EconomieSuisse a provoqué un raz de marée au sein des ultra-libéraux qui l’ont dépossédée de son leadership pour les votations à venir. Ce seront donc l’UDC et l’USAM qui vont s’atteler à la tâche difficile d’expliquer pourquoi l’initiative des jeunesses socialistes pour limiter l’écart des salaires au sein d’une entreprise et celle des socialistes pour un salaire minimum ne provoqueraient pas les effets escomptés.
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Bien que l’on parle d’un salaire minimum de 4000.-, nombreux sont ceux qui arrivent tout juste à 3000.-. Donc si nous prenons le scénario minimaliste, un dirigeant ne devrait pas pouvoir toucher un salaire de plus de 360’000.- par an.
Pour la plupart des citoyens suisses, de tels revenus sont à peine envisageables. Dans les faits, seuls 2 % de la population touche des revenus supérieurs à 500’000.-
Il est donc parfaitement compréhensible que les écarts que nous connaissons actuellement, parfois jusqu’à 1:1000, choquent le commun des mortels. L’initiative a donc de bonnes chances de passer.
Je laisserai le soin aux opposants de développer leurs arguments sur les conséquences de l’acceptation de cette contrainte.
Je m’interroge pourtant sur un autre aspect du problème, un peu plus philosophique.
Si l’on considère que seul un très faible pourcentage de la population réalise des revenus aussi conséquents, il ne devrait pas être difficile de voir ce qu’ils en font.
Et je suis prêt à parier qu’une bonne partie est redistribuée dans des projets créatifs, des entreprises ou des oeuvres de bienfaisance. Il serait surprenant que ces fortunés se contentent d’amasser l’or comme l’oncle Picsou.
Et c’est là que réside à mon avis le danger de l’initiative. En voulant réduire les écarts, on risque de braquer les meilleures volontés qui se sentiront arbitrairement dépossédées.
Nous devrions au contraire garantir la liberté à chaque individu de profiter de ses biens comme il l’entend, encourager l’initiative personnelle et limiter au maximum l’interventionnisme de l’Etat qui prétend redistribuer les richesses plus équitablement.
La solidarité ne peut pas être imposée. Elle doit venir de l’intérieur, par une prise de conscience. A défaut, les lésés trouveront toutes les parades pour résister à ce qu’ils considéreront comme une injustice, une spoliation, un vol autorisé.
Salaire minimum de 4000.-
Comment ne pas adhérer ? Qui peut vivre aujourd’hui en Suisse avec moins que ça ?
Les milieux économiques auront ici aussi bien de la peine à développer leurs arguments.
On a déjà entendu le principal, la paix du travail, le consensus suisse et sa réussite dans un monde en crise et les nombreuses conventions collectives qui pourraient certes être un peu plus largement instaurées.
Ce débat devra prendre place à une plus large échelle que nationale. Les accords bilatéraux, le dumping salarial, la pression fiscale de l’UE, le franc fort, l’immigration, etc.
Les comparaisons internationales seront difficiles et les chiffres seront souvent contradictoires. Nous assisterons à une guerre des tranchées et l’émotionnel sera une fois de plus au centre, ce qui rendra plutôt vains les arguments des uns comme des autres.
Ici aussi je voudrais analyser le sujet sous un aspect plus philosophique.
Comment se fait-il que les Suisses se préoccupent d’une telle question qui ne concerne qu’une très faible minorité ?
Je pense que c’est par culpabilité. Nous avons presque honte de notre niveau de vie et il nous est tout simplement insupportable d’envisager la pauvreté en Suisse.
Nous déléguons donc à l’Etat la responsabilité de garantir à tous le minimum vital quelles que soient les conséquences d’une telle politique.
Pourtant, ceux qui essaient de se donner bonne conscience par ce choix seront vraisemblablement les premiers à s’offusquer des abus à l’assistance publique, des dérives d’une terre d’accueil, des priorités accordées à certaines catégories et des effets pervers qu’induiront forcément des mesures si attractives.
Nombreux sont ceux qui s’offusquent aujourd’hui de la possibilité pour des étrangers récemment installés en Suisse de bénéficier du chômage et autres aides sociales au même titre qu’un citoyen suisse et même parfois plus facilement dans le cas des attributions de logements par exemple.
Il faut être conséquent dans ses choix. Etre concerné par des questions sociales, participer à la solidarité est une noble préoccupation mais elle a un coût. Tout particulièrement lorsque nous déléguons ces compétences à la Confédération.
On ne peut demander des baisses d’impôts et charger l’Etat de tâches toujours plus nombreuses qu’il gère mal de par sa taille et son inertie.
Mais finalement, ce qui me semble le plus important, c’est que ces notions altruistes ne pourront avoir de réel effet que si elles viennent de l’intérieur de l’individu et non pas par délégation pour se donner bonne conscience.
Chacun peut commencer, à son niveau, à partager.
Si on nous y oblige, nous résisterons et trouverons toutes les parades pour échapper à ce que nous considérerons, à tort ou à raison, comme une injustice.