Coûts de la santé, quels remèdes ?

Comment assurer des prestations de qualité à tous sans péjorer le budget familial au delà du raisonnable ?

 

Explosion de l'offre et éducation à la consommation

Nous ne pouvons que nous réjouir des résultats spectaculaires dans le domaine de la recherche médicale. La qualité de vie de nombreuses personnes s'est radicalement transformée à la suite d'une opération de la hanche. par exemple. Ces personnes ne pouvaient tout simplement plus bouger sans prendre massivement des anti-douleurs. Les stents, ces petits filets métalliques qui permettent de maintenir les artères ouvertes près du coeur sont un autre exemple spectaculaire d'intervention quotidienne qui sauve la vie sans plus avoir besoin d'ouvrir la cage thoracique. 

D'un autre côté les impératifs commerciaux des pharmas impliquent  qu'une pléthore de médicaments de confort inonde le marché, assistée d'une publicité omniprésente, qui donne l'impression que nous ne pourrions juste pas nous passer de ces aides chimiques. Nous devenons dépendants et nous voulons évidemment le meilleur. Au moindre bobo, nous courrons chez le médecin, ne serait-ce que pour justifier les montants exorbitants que nous payons pour nos primes d'assurance maladie.

Voilà le premier échelon d'une économie potentielle : L'éducation à la consommation dans la santé. Une portion autonome de la population consomme à bon escient, l'autre, plus dépendante des sollicitations, consomme au moins à hauteur des primes exigées. L'éducation à la consommation doit viser à plus d'autonomie par rapport à une partie de l'offre médicale. Cette éducation passe par des dispositifs déjà en place,  comme l'hygiène de vie, par des campagnes publiques, et par l'analyse du coût moyen d'un patient par médecin. Analyse suivie de recommandations à la baisse de consommation de médicaments de confort, tant vers le public que vers les médecins.

 

Moratoires sur les cabinets de médecins

La concurrence entre médecins est forte et la tentation de prescrire des soins parfois inutiles, voire même contre productifs, est un risque qu'il ne faut pas négliger. L'attractivité des milieux urbains pour ces professionnels est indéniable et la spécialisation une tendance. Les médecins de premier recours, anciennement les médecins de famille, tendent à disparaitre. Malheureusement pour des raisons économiques puisque l'acte spécialisé est mieux rémunéré.

Les accords bilatéraux encouragent la libre circulation des personnes et offrent aussi des opportunités alléchantes aux médecins d'autres pays de l'Europe. Leurs salaires doublent, voire quadruplent, lorsqu'ils viennent exercer dans notre pays. Alors qu'ils manquent cruellement dans le leur. On touche aux limites des lois du marché. Et pourtant, sans cette main d'oeuvre étrangère, nous manquerions de médecins dans nos hôpitaux.

Le moratoire, soit la limitation du nombre de cabinets médicaux, semble justifié à cause d'une pléthore de médecins indépendants. La queston doit être étudiée avec les partenaires santé du canton afin de prendre les mesures nécessaires en amont déjà, et ne pas freiner la relève des médecins qui se retirent de la vie professionnelle.

 

Caisse maladie unique

Faut-il soutenir la réalisation d'une caisse unique ? Les organismes qui disposent d'un monopole s'endorment sur un oreiller de paresse. Ils n'ont pas besoin de prouver quoi que ce soit. Lorsqu'on parle de santé pour tous et d'assurance obligatoire, nous sommes déjà à la limite d'une structure étatique. La solution pourrait venir d'une plus grande transparence des comptes des divers acteurs sur le marché. Les médecins sont contraints de rendre des comptes. Leur comptabilité est passée au peigne fin et ceux qui dépassent la moyenne doivent se justifier. Il devrait en être de même pour les assureurs. On peine à comprendre les raisons qui empêchent le ministre en charge de ce département d'obtenir cette transparence.

 

Médecine à deux vitesses

Qu'on le veuille ou non, on y est déjà. Ceux qui ont les moyens peuvent se payer des complémentaires qui leurs donnent accès aux cliniques privées, à des chambres privatives et des soins pointus. Mais ce n'est qu'un début. Un jour viendra où la solidarité sera remise en question par ceux qui se battent pour rester en bonne santé. Ils fustigeront ceux qui brûlent la chandelle par les deux bouts et qui coûtent une fortune à la société. Ainsi on ne soignera plus un cancer du poumon à un fumeur invétéré, on refusera des prothèses à un sportif de pointe qui aura trop sollicité ses articulations, on ne fera pas de greffe de foie à un alcoolique, etc.

Plus grave, et cela se discute déjà, on évitera de changer une hanche à une personne dont l'espérance de vie n'excédera pas dix ans. Le pire se manifestera lorsque la science permettra d'optimiser le génome et de diagnostiquer le potentiel d'un foetus.

Au niveau cantonal, sans empiéter sur la liberté de choix de l'assurance, le législateur doit s'employer à permettre l'accès à des soins de qualité pour tous.

 

Exit et Dignitas

 Je suis très favorable à ces solutions qui s'inscrivent en droite ligne dans le souci de soins palliatifs qui visent à diminuer la douleur. Je regrette que le Conseil fédéral esquive sa responsabilité en la matière en refusant de légiférer, mais je salue les cantons qui assument. Je ne partage pas les craintes de certains sur les dérives éventuelles car le cadre est suffisamment contraignant. Les avantages sont immenses. Surtout ce sera un soulagement pour le corps médical qui ne sait plus trop à quel saint se vouer. De nombreux médecins doivent rivaliser d'ingéniosité pour respecter la volonté du patient sans subir l'opprobre de la famille et le verdict des tribunaux.

 

Médecine alternative et responsabilité personnelle

Nombreux sont ceux qui ont opté pour les médecines naturelles et autres approches alternatives seules ou en complément à la médecine universitaire. Pourtant, la démarche est semblable. On se remet dans les mains d'un professionnel. Alors que nous devons apprendre à nous connaitre. Cela commence par une observation rigoureuse des causes de nos afflictions. Souvent, elles sont provoquées par ce que l'on mange et boit. Il ne s'agit pas de mettre en compétition une médecine contre une autre, mais plutôt de faire évoluer l'attitude de chacun face à la maladie. La maladie est un signal. Nous sommes les mieux placés pour observer nos gestes au quotidien, nous sommes nos meilleurs médecins. Par une observation rigoureuse, nous apporterons de précieux renseignements aux professionnels desquels nous devons exiger des informations détaillées sur leurs conclusions afin d'optimiser notre connaissance de nous-mêmes.

 

Prévention

Prévenir, c'est faire en sorte que le corps puisse se défendre seul contre les agressions. Sans rejeter les préventions traditionnelles, le premier élément incontournable est l'exercice physique. Nous devrions enseigner, déjà dans nos écoles primaires, le plaisir de se déplacer à pied, de monter des escaliers, de jouer avec les obstacles de la ville. Ce que l'on appelle le "parcours" auprès des initiés devrait devenir une habitude pour tous les écoliers qui se rendent à l'école.

 

L'aide sociale

On mesure le niveau d'une société à sa capacité à s'occuper des plus démunis. C'est ici que notre humanité s'exprime le mieux. L'Etat joue donc un rôle majeur dans le soutien de ceux qui ne peuvent tout simplement pas se prendre en main, quelles que soient leurs raisons. Chaque être est unique de par son expérience de vie et son héritage. Chaque être humain contribue à sa façon à l'évolution de l'espèce. Aucun ne mérite d'être sacrifié.

En Suisse, nous sommes plutôt avant-gardistes dans les domaines des soins palliatifs. Nous sommes un des rares pays qui proposent l'assistance au suicide comme relevé plus haut, mais nous offrons aussi des centres d'injection pour les toxicomanes qui ne sont pas prêts à faire les démarches pour se sevrer. Personne n'est laissé sur le carreau. Il est donc important que chaque citoyen puisse être suivi, accompagné dans son évolution, lorsqu'il a besoin de soutien. Ce soutien doit, si possible, être accompagné de mesures de retour à l'autonomie. 

Par exemple, une simple greffe de foie sur un alcoolique peut lui permettre d'avoir enfin la respiration qui lui permettra d'envisager la sortie de sa dépendance. C'est statistiquement prouvé. Mais ça ne devra pas venir tout seul. Il faut une limite. La disposition actuelle qui oblige  un alcoolique à six mois d'abstinence pour obtenir une greffe est, à mon avis, une excellente mesure.