Pressions de la Communauté Européenne (CE) pour l'harmonisation fiscale
Les Suisses n'aiment pas se faire dicter leur loi et certainement pas par les mauvais élèves que sont les pays de la CE. Ils restent cependant pragmatiques et toujours un peu complexés. Nous avons tendance à réagir plutôt qu'agir et souvent dans l'urgence, sous la pression. Nous avons vu les effets dévastateurs de ce manque d'anticipation dans le domaine des fonds en déshérence et dans celui du secret bancaire. La prochaine crise viendra certainement des conditions fiscales particulièrement avantageuses que nous octroyons aux compagnies multinationales actives dans le domaine du négoce des matières premières.
Le Conseil fédéral a cette fois tenté de prendre les devants pour informer sur le caractère de ce type d'entreprise très controversé sur la scène internationale, notamment en Suisse par la Déclaration de Berne (DB) qui dénonce non seulement la spéculation sur les denrées de première nécessité mais aussi les conditions d'exploitation de ces ressources dans les pays producteurs.
Le rapport de base du Département fédéral des finances (DFF) reste timide, mais n'évite pas les questions délicates. Le CF mise pourtant sur la responsabilité des entreprises actives en, ou depuis la, Suisse pour un comportement intègre quant au respect des droits de l'homme et des standards internationaux. Les diverses ONG actives dans ce domaine dénoncent la mollesse des intentions et sortent des chiffres impressionnants. Pas étonnant si l'on se réfère à un récent rapport de l'Association suisse des banquiers (ASB), ces entreprises emploient entre 10 et 12'000 personnes et offrent des bonus qui atteignent plusieurs millions. Elles pèsent 10 % de l'économie genevoise.
La pression internationale pour plus de transparence dans ce domaine s'accroit d'autant plus que la CE travaille sur un projet réglementaire qui devrait s'inspirer la loi Dodd-Franks aux USA et qui permet d'imposer aux industries minières de détailler leurs paiements aux pays producteurs. La Suisse semble bien naïve de croire que la branche créerait d'elle même des mécanismes de contrôles efficaces et crédibles. La Confédération devrait reprendre, ou du moins s'inspirer, des travaux de la commission européenne pour limiter les risques de corruption et les dégâts d'image qu'elle essaie d'anticiper par son rapport.
Certain traders, à l'instar de M. Richard Watts, directeur de la société genevoise HR Maritime, essaient de distinguer les divers types de négoces. Il semble suggérer, dans l'interview accordé à la Tribune de Genève du 17 mars 2013, que les sociétés présentes chez nous sont essentiellement actives dans le négoce physique qui apporte une valeur ajoutée aux produits par leur transformation plutôt que dans la spéculation pure du négoce financier. A vérifier.
Il faut aussi faire une distinction entre les entreprises actives dans l'extraction des matières premières qui sont la principale cible des dénonciations et celles très présentes en Suisse qui s'occupent de transformation et de création de produits dérivés. Bien qu'elles opèrent parfois sur les deux terrains.
Mais la principale grogne de nos voisins vient de notre attractivité fiscale exceptionnelle que nous devons impérativement conserver dans un monde de forte concurrence économique. Singapour, Dubaï, Hong-Kong, les USA, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas sont de sérieux concurrents qui font valoir des conditions fiscales et réglementaires extrêmement attractives. La Suisse se démarque encore par ses conditions-cadres économiques et juridiques particulièrement stables et prévisibles et une qualité de vie qui contribuent encore largement à notre attractivité. Il reste pourtant difficile de faire accepter notre système fédéraliste qui permet une concurrence fiscale entre cantons ainsi qu'une fiscalité à la carte pour des gains réalisés dans le pays ou à l'étranger.
De part sa taille, la Suisse ne fait évidemment pas le poids contre la CE et ne dispose pour ainsi dire pas d'allié dans le concert des nations. Le CF fait un travail d'artiste-jongleur dans ses relations extérieures pour tenter d'expliquer le choix des Suisses. Il doit faire preuve à la fois d'ouverture pour des négociations et de fermeté attendue du souverain. Les récents développements et le retournement des banquiers dans le cadre de la transmission de données semblent suggérer que la Suisse ne va pas s'incliner devant le diktat des puissants tant qu'ils n'auront pas donné l'exemple dans leurs contextes. La Confédération serait toutefois bien inspirée d'approfondir ses enquêtes envers certaines multinationales et ajuster les critères pour leur permettre de s'installer dans notre pays.
10 mai 2013