Les chiffres de Genève sont affligeants en comparaison nationale. Et le 5,5 % est encore sous-évalué puisque les "fin de droit" ainsi que ceux qui habitent en France voisine ne sont pas pris en compte. Ainsi on pourrait plutôt parler de 7 à 8 % de chômeurs dans le canton alors que la prospérité de l'arc lémanique est la plus spectaculaire du pays. Pourtant, lorsqu'on écoute les propositions des divers candidats au Conseil d'Etat, on retrouve toujours ces même vieilles recettes qui ne fonctionnent pas.
Ainsi la gauche veut plus d'encadrement, l'aide à la réinsertion, la formation et donc l'augmentation des impôts pour assurer ces prestations. Cercle vicieux qui ponctionne les entreprises et diminue le pouvoir d'achat. La droite continue sa fuite en avant avec le développement de l'attractivité par des conditions fiscales largement contestées, surtout pour les grandes entreprises multinationales qui sont très volatiles et mobiles et qui ne s'encombrent pas d'état d'âme lorsqu'il s'agit d'optimiser les rendements et donc le profit des actionnaires par des délocalisations aussi expéditives que douloureuses. Le centre mou, comme à son habitude, propose une soupe insipide à mi-chemin qui ne convainc personne.
Ici aussi, comme partout d'ailleurs, tout est lié. S'il n'y a pas de solution miracle, notamment par le fait que dorénavant le monde est devenu un village et donc qu'aucun changement radical ne pourra prendre place à un petit endroit de la planète sans qu'il soit phagocyté, il est possible d'initier un mouvement vers un changement de paradigme.
Nous serions d'ailleurs bien inspirés de nous y préparer plutôt que de devoir le subir dans la douleur.
Filière Gymnasiale
Déjà à mon époque, dans les années 70, lorsqu'on quittait le cycle d'orientation, nous étions bien nombreux à ne pas savoir vers quels métiers nous voulions nous diriger. Ainsi, nombre d'entre-nous ont préféré continuer le cursus scolaire en attendant d'y voir plus clair. Aujourd'hui, ça n'a pas beaucoup changé et les parents, qui voudraient offrir un avenir le plus radieux possible à leur progéniture, privilégient souvent le collège et l'uni.
Résultat des courses, notre ministre en charge de l'économie, M. Schneider-Amman tire la sonnette d'alarme et tente d'inverser la tendance. De nombreux élèves sur-diplômés sont bombardés dans la vie active sans perspective d'emploi. Il va donc tenter de revaloriser les divers apprentissages.
Apprentissage
Seulement voilà, aujourd'hui les métiers manuels ne sont plus trop sexy. Un serrurier ne fera plus de ferronnerie d'art, qui peut encore se payer un portail sur mesure et pour quel jardin ? Il va passer son temps à changer des cylindres dans les appartements cambriolés. Un menuisier ne fait plus qu'installer en série des fenêtres et des portes en PVC. Un ferblantier des tuyaux en plastique. Un typographe travaille dorénavant devant un ordinateur qui pilote ses machines. Il ne change même plus les bacs d'encre. La liste est sans fin. Il devient donc difficile de motiver des jeunes à suivre un apprentissage car ces métiers ne sont plus des vocations, ils ont perdu leur caractère créatif.
Recherche, innovation
Lors d'une récente intervention au parlement, le député Libéral Fathi Derder a questionné la politique d'encouragement à la recherche et à l'innovation de la Confédération. Ce ne sont pas les sommes disponibles qui sont visées, mais plutôt le suivi des réalisations concrètes sur le terrain et donc le monitoring des investissements consentis. Il touche un point sensible qui mérite d'être approfondi.
Chaque être humain est unique non seulement de manière innée mais aussi par la somme de ses acquis. Le potentiel créatif de chacun est considérable pour autant qu'il ne soit pas nivelé par des formations uniformes et ennuyeuses. La science et la recherche ont déjà permis à nos sociétés d'évoluer de manière conséquente dans tous les domaines, prolongeant chaque année notre espérance de vie dans des conditions toujours plus confortables. Nous avons inventé des robots pour assurer les travaux lourds et rébarbatifs. Le revers de la médaille se fait sentir dans l'immobilité des humains qui doivent faire du fitness pour ne pas dégénérer puisqu'ils passent le plus clair de leur temps à piloter des machines ou pianoter sur des claviers.
Plein emploi ou emploi pour tous ?
Nos vies sophistiquées de consommateurs plus ou moins effrénés nous obligent à travailler 8 heures par jour pour couvrir nos besoins. C'est un choix. Mais de plus en plus d'individus s'essaient à des modes alternatifs, des partages du travail dans le ménage. La tendance de l'automatisation des tâches diminue le besoin de collaborateurs et ce n'est pas prêt de changer. Les métiers eux changent beaucoup. Il est par conséquent parfaitement mensonger de promettre l'emploi pour tous. Notamment en raison de l'explosion démographique et du caractère épuisable des ressources.
Il convient donc d'envisager d'encourager le travail à temps partiel afin de permettre à tout le monde d'avoir une activité professionnelle qui lui permette d'assurer ses besoins fondamentaux tout en lui assurant suffisamment de temps pour développer sa créativité au travers d'activités ludiques.
Le télétravail est aussi une option qui se développe et qui diminue les coûts pour l'entreprise en minimisant les nuisances et les pertes de temps dans des déplacements de plus en plus problématiques. Ainsi, pour ne donner qu'un exemple, nous avons la possiblilité à Taxiphone de permettre à des téléphonistes de se connecter au logiciel de distribution de courses depuis leur poste à domicile. Nous pouvons donc faire appel à une main d'oeuvre volontiers disponible à la demande pour assurer des pics d'affluence sur des périodes courtes. C'est une flexibilité précieuse pour la centrale et pour le collaborateur qui choisi ou non de dire présent.
Incitation pour les entreprises
Pour y parvenir, il est important d'offrir des moyens aux entreprises afin de les encourager à engager des collaborateurs de tous âges. Si les anciens n'ont pas la plasticité et le rendement d'un jeune sur le marché, ils disposent d'un savoir précieux, d'une expérience de vie certainement utile dans l'harmonisation des rapports entre les collaborateurs. Puisque les charges sociales augmentent, les employeurs évitent de s'entourer de collaborateurs qui leur coûtent cher sans forcément justifier leurs salaires par des performances nettement plus spectaculaires que leur jeunes collègues.
Il y a fort à parier que, vu la difficulté pour cette population de trouver de l'embauche à partir d'un certain âge, ces candidats se contenteraient de salaires plafonnés moyennant une réduction de leur temps de travail. Parallèlement à l'espérance de vie qui augmente, nous restons actifs et disponibles plus longtemps sur le marché du travail. La prochaine révision de l'AVS devrait enfin consacrer la flexibilité totale tous sexes confondus.
Les très jeunes adultes peinent aussi à trouver de l'embauche. Les employeurs privilégient un minimum d'expérience et comme la demande est pléthorique, ils ne prennent pas la peine d'auditionner les nouveaux arrivés sur le marché. Le système éducatif est largement responsable de cet état de fait. Les formations gymnasiales sont souvent éloignées des réalités du terrain. On forme des technocrates qui travaillent virtuellement sur des projets souvent abscons en complet décalage avec les besoins du marché. Les étudiants devraient pouvoir précocement s'immerger en situation par des stages réguliers et divers. Ne serait-ce que pour choisir la spécialité à laquelle ils entendent se destiner.
Croissance et développement démographique
Certains sont tentés de prôner la décroissance ou la croissance zéro. Ils invoquent un changement d'attitude dans nos habitudes de consommation et fustigent le gaspillage des ressources non renouvelables. Mais il suffit d'observer la nature pour comprendre que tout ce qui nait à la vie, croit, puis décroit avant de mourir. C'est dans l'ordre des choses de vouloir faire toujours mieux, l'homme a besoin de se dépasser, de repousser ses limites. Il a besoin d'éprouver de l'envie, de l'enthousiasme. La croissance peut-être maitrisée et optimisée par une exploitation respectueuse des ressources. La décroissance mène à la déprime.
Lorsque l'on observe le développement spectaculaire de la démographie mondiale ainsi que la diminution des victimes lors des conflits armés, nous sommes obligés de trouver des solutions durables si nous voulons pouvoir continuer à vivre le plus harmonieusement possible sur cette planète. En 1800 nous étions un milliard d'habitants. Aujourd'hui nous atteignons les 7 milliards et à la fin du siècle, à moins d'une catastrophe majeure, nous serons environ 11 milliards. A nous d'anticiper cette évolution par un changement d'attitude, vers plus de partage de l'espace, des ressources et des moyens de production.
Si la période d'individualisme à outrance a encore de beaux jours devant elle, nous commençons à ressentir les premiers signes de lassitude d'un narcissisme stérile. Les modèles compétitifs sont usants et on trouvera toujours plus fort que soi. Nous observons de plus en plus d'exemples de coopération à tous les niveaux. Des entreprises en difficulté sont reprises par les collaborateurs qui s'organisent en coopératives tout en gardant une structure hiérarchique démocratique garante d'efficacité et de pérennité. La solidarité n'est plus un concept qu'on imposerait de l'extérieur en moralisant les gens, mais une impulsion du dedans, facilitée par la lassitude d'une certaine forme de solitude.
Quelle taille pour le Grand Genève
Localement, nous observons un dynamisme économique étonnant en cette période de morosité dans la plupart des pays voisins. Nous devenons par conséquent très attractifs et la population croit à un rythme soutenu. Les conservateurs et les écologistes voudraient freiner cette tendance afin de conserver notre qualité de vie. Aujourd'hui, nous pouvons lire dans la tribune le refus des verts de développer l'aéroport de Genève qui n'arrive plus à faire face à la demande. Certains parlent même d'une dernière extension avant de délocaliser le tarmac qui ne dispose que d'une piste pour le décollage et l'atterrissage des avions.
La taille de la région est définie par sa géographie. Le bassin lémanique n'est pas extensible à volonté, le potentiel est encore énorme mais la limite sera un jour atteinte. S'il est difficile d'imaginer une seule métropole de Lausanne à Cruseille entre les Voirons, le Jura, le Salève et le Vuache, c'est pourtant un avenir probable qu'il s'agirait de planifier si nous voulons éviter les dérives d'un urbanisme mal maîtrisé qui impliquerait des déplacements constants et donc des nuisances et du temps perdu. Le développement d'éco-quartiers autonomes s'impose avec toutes les activités humaines, ludiques et professionnelles accessibles dans un espace restreint. Toute mégapole s'organise presque automatiquement en petits villages de taille humaine. A nous de prévoir la convivialité, le confort de ces zones de vie ainsi que l'équilibre avec les zones rurales indispensables à l'autonomie de l'approvisionnement.
Un nouveau monde se dessine
L'actualité semble s'accélérer, Nous sommes en train de passer un cap, nous réorienter. Plus aucune décision ne peut se prendre à petite échelle. Les communes fusionnent, les régions se dessinent, les nations passent des accords dans tous les domaines économiques, sécuritaires, culturels. De grands ensembles se dessinent tout en favorisant les particularismes locaux et la proximité des échanges et des décisions. Les frontières s'estompent ou se redessinent de manière virtuelle. La quête de sens se fait aussi plus pressante. Nous avons du temps pour penser à nos vies et à la finalité de nos actes. Il est donc important d'aller avec le courant, participer à ces changements avec confiance et intelligence. Préserver les acquis, se replier sur soi et son confort personnel est une attitude risquée garante de grandes frustrations.
Je regrette le manque de courage de nos politiques qui continuent à promettre le plein emploi pour tous alors que tous les signaux sont au rouge. Partout dans le monde.
11 juin 2013